Le stratagème n’est pas nouveau mais il peut quand même surprendre. Le principe est simple : utiliser des leurres, des armes et/ou des véhicules factices par exemple, pour tromper l’ennemi. Et il semblerait que l’Ukraine et la Russie ne s’en privent pas, même si son utilisation est difficile à quantifier. « Oui, c’est une réalité », affirme néanmoins Thibault Fouillet, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et expert en stratégie militaire, « ça peut paraître saugrenu, on peut se dire que l’on n’a pas évolué depuis les guerres antérieures et notamment la Seconde Guerre mondiale mais c’est d’autant plus une réalité que c’est devenu un impératif ». La cause, selon lui, est à chercher du côté des moyens de surveillance très pointus dont disposent les armées aujourd’hui. « Comme vous ne pouvez plus ôter vos moyens à la vision de l’adversaire, et bien vous cherchez à le tromper sur la nature des moyens. Et le leurre, gonflable ou même en bois, redevient un impératif ». En août dernier, l’armée ukrainienne s’était d’ailleurs félicitée d’avoir dupé les forces russes, qui avaient tiré, selon les Ukrainiens, des missiles sur des lance-roquettes Himars… en bois. Il y a quelques jours lors d’une démonstration devant la presse, une entreprise tchèque de fabrication de tanks, d’avions, ou de pièces d’artillerie gonflables, reconnaissait d’ailleurs -sans révéler le nom des pays qu’elle livrait- que sa production avait très sensiblement augmenté depuis le début du conflit en Ukraine. Dans sa gamme de produits notamment : des répliques de Himars ou de chars Abrams américains. Induire son adversaire en erreur sur ses propres intentions, le forcer à gâcher des munitions, et donc de l’argent, en tirant sur des structures inoffensives... la tactique n’est pas nouvelle. Elle fait partie d’une stratégie plus globale de « déception », visant à intoxiquer le camp d’en face avec des mauvaises informations. L’opération la plus célèbre est sans doute celle organisée par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1944, pour tromper l’Allemagne. « Ce n’est pas du tout une nouveauté, confirme Thibault Fouillet, évoquant l’opération « Quicksilver ». « C’était l’opération de chars et de moyens gonflables intégrée dans « Fortitude », qui a permis de faire croire aux Allemands que le Débarquement se préparait dans le Nord Pas de Calais alors qu’il a eu lieu en Normandie ». Si le principe du leurre n’a pas changé depuis, il a dû néanmoins se moderniser, au rythme de l’évolution des systèmes de détection. Ces derniers sont de plus en plus « multi-capteurs », selon l’expert en stratégie militaire. « Vous n’allez pas juste chercher une détection visuelle, vous allez aussi chercher une confirmation thermique, radar, même électromagnétique ou acoustique. Forcément, si vous faites un leurre qui n’a qu’une seule caractéristique, vous allez être vite éventé. Donc vous êtes obligés de perfectionner ce leurre ».
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