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« Sueurs Froides », le vertige définitif d'Alfred Hitchcock

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Il suscita plutôt l'indifférence voire l'ennui à sa sortie mais, aujourd'hui, il est considéré comme l'un des plus grands films de toute l'histoire du cinéma. Sorti au printemps 1958 aux Etats-Unis, Sueurs Froides - Vertigo en version originale - dérouta en son temps les critiques et le public, un peu égarés face aux innombrables degrés de lecture et la noirceur extrême de cette romance maudite maquillée en thriller tordu. Une drôle d'histoire, adaptée d'un best seller du tandem français Boileau-Narcejac paru en 1954, et au service de laquelle Hitchcock va consacrer toute sa puissance créatrice, alors à son apogée. Le maitre du suspense dirige alors son acteur fétiche James Stewart dans le rôle de John Ferguson, ex-officier de police de San Francisco désormais en retraite, traumatisé par la mort accidentelle d'un collègue tombé dans le vide en essayant de le sauver, lors d'une course poursuite sur les toits avec un fugitif.

Ferguson, sujet à la phobie de la hauteur depuis cette tragédie et rongé par la culpabilité, peut compter sur le soutien d'une ancienne fiancée devenue son amie, Midge (Barbara Bel Geddes), secrètement toujours amoureuse de lui. Mais c'est d'une autre femme dont Ferguson va tomber amoureux éperdument : Madeleine Ellster (Kim Novak), épouse d'un vieil ami qui demande à John de la suivre dans ses faits et gestes, de peur qu'elle attente à ses jours. Soi-disant hantée par l'esprit de son arrière grand-mère, une certaine Carlotta Valdès, qui se suicida un siècle plus tôt, Madeleine ère chaque jour dans San Francisco au gré d'un itinéraire qui va peu à peu prendre Ferguson dans sa toile... Sans savoir qu'il est en réalité manipulé de bout en bout (comme le spectateur !). Entouré de ses fidèles collaborateurs, du chef opérateur Robert Burks au monteur George Tomasini en passant par la mythique costumière Edith Head, Hitchcock transcende à l'écran le roman pour livrer sans doute son oeuvre la plus personnelle et la plus aboutie. Un diamant noir d'une beauté visuelle foudroyante où la mise en scène, réglée au millimètre près par Hitch', forme avec la sublime partition romantique de Bernard Herrmann un tandem à l'irrésistible puissance hypnotique.

Histoire d'amour désespérée, traversée par les mythes de Pygmalion et Galatée autant que de Tristan et Yseult, Sueurs Froides n'a pas pris une ride et même, privilège rarissime au cinéma, semble toujours plus moderne à mesure que le temps passe. Célébré par Truffaut, De Palma, Argento, Scorsese, Marker et tant d'autre cinéastes tombés aussi amoureux de ce chef-d'oeuvre que Ferguson de Madeleine, il nous plonge dans un tourbillon d'émotions tout en multipliant les plans virtuoses, à jamais gravés dans les mémoires des cinéphiles. Amorcé par l'incroyable générique symbolique du graphiste de génie Saul Bass, cet inoubliable polar, marqué à mi-chemin par un rebondissement étourdissant, reste encore à ce jour une oeuvre définitive sur l'obsession et la culpabilité. Un film extrêmement personnel pour son réalisateur, qui fit de sa star féminine Kim Novak l'incarnation absolue de l'inatteignable blonde Hitchcockienne, source de tous les fantasmes. Bref, un sacré bout de film, étudié sous toutes les coutures depuis des décennies mais qui reste toujours, lui aussi, cet objet insaisissable refusant de livrer tous ses mystères. Et qu'on ne se lasse jamais de redécouvrir.
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Europe
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